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Stéphanie Huang

Premier violoncelle solo

Stéphanie Huang est lauréate du Concours international Reine Elisabeth de Belgique 2022 où elle remporte également les deux prix du public (le prix Canvas-Klara et le prix Musiq3), Grand Prix du Concours international de violoncelle Suggia 2015 à Porto, Premier Prix du Concours international de la Società Umanitaria 2021 à Milan et nommée Révélation ADAMI Classique 2021 en France.

Stéphanie Huang a joué en soliste avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, l’Orchestre symphonique de Mulhouse, le Munchner Rundfunkorchester, l’Orquestra Sinfonica do Porto, le Brussels Philharmonic, l’Orchestre national de Belgique, l’Orchestre de Chambre de Wallonie, sous la direction de Renaud Capuçon, Augustin Dumay, Pierre Dumoussaud, Michael Sanderling, Stéphane Denève, Joana Carneiro, James Feddeck. Elle joue régulièrement dans de nombreux festivals nationaux et internationaux (Evian, Deauville, La Roque d’Anthéron, Biot, Verbier, Gstaad, Bruxelles, Schiermonnikoog, Helsinki…) avec Renaud Capuçon, Sylvia Huang, Paul Zientara, Anna Agafia, Gérard Caussé, Guillaume Bellom, Keigo Mukawa…

Née en Belgique dans une famille de musiciens, Stéphanie Huang commence le violoncelle dès son plus jeune âge. Elle a remporté un Premier prix au Concours Dexia et fait ses débuts à l'âge de douze ans au Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles dans les Variations sur un thème rococo de Tchaïkovski. Après avoir obtenu en 2017 sa licence au Koninklijk Conservatorium de Bruxelles avec Jeroen Reuling, elle a poursuivi ses études avec Marc Coppey et Emmanuelle Bertrand (musique de chambre) au Conservatoire de Paris – CNSMDP, et Gary Hoffman (Chapelle Musicale Reine Elisabeth) avec de nombreuses récompenses (des fondations Spes, Meyer, Kriegelstein, Safran, Banque Populaire).

En juin 2024, elle remporte le concours au poste de premier violoncelle solo de l’Orchestre de Paris, intégrant la formation en janvier 2025.

Elle joue un violoncelle Jean-Baptiste Vuillaume généreusement prêté par le Fonds de Dotation Adelus.

Son interview

La Belgique ?

J’y ai grandi et le pays représente toujours une grande partie de ma personnalité. Comme j’enseigne au Conservatoire de Bruxelles (section néerlandophone), je prends fréquemment l’Eurostar. Je suis fière de mon pays et de tous ses symboles, qu’il s’agisse des chocolats ou des frites (rires). A mon sens, la peinture de Magritte résume bien l’esprit belge, par son aspect loufoque, sa simplicité et la profondeur de son humour noir.

Paris ?

Avec Bruxelles, Paris est mon autre ville de cœur. J’ai toujours été happé par l’émulation et l’effervescence qui se dégage de cette ville. L’Orchestre de Paris est d’ailleurs le premier orchestre que j’ai entendu quand j’étudiais au Conservatoire de Paris. Y entrer représentait un rêve. L’histoire de la formation est fascinante: chacun de ses directeurs musicaux, qu’il s’agisse de Charles Munch, Daniel Barenboim ou de chefs plus récents comme Daniel Harding ou Klaus Mäkelä m’apparaissent comme autant de facettes d’un fabuleux orchestre caméléon.

Qu'emportez-vous toujours en tournée ?

Mes pantoufles ! Je les possède depuis mes quatorze ans (rires). Cela peut paraître anecdotique, mais lorsqu’on est en tournée, on enchaîne les voyages. Durant les concerts, nous sommes en tenue de scène et personnellement, je joue en talons. C’est pourquoi j’ai besoin d’une rupture après un concert. Il faut pouvoir retrouver son quotidien, comme une sorte de réconfort après l’effort.

La carrière de soliste ?

J’ai remporté plusieurs prix au Concours Reine Elisabeth de Bruxelles en 2022, qui m’ont ouvert de nombreuses portes. Depuis, je donne régulièrement des concerts en soliste et en musique de chambre. Mais mon rêve a toujours été d’entrer dans un orchestre. J’aime l’idée d’appartenir à une collectivité de cent musiciens qui s'unissent pour construire un édifice commun.

Une oeuvre fétiche ?

Tristan et Isolde de Wagner. Je suis d’ailleurs heureuse que nous la jouions la saison prochaine. Je l’avais analysée au conservatoire et l'œuvre m’avait tout de suite fascinée : l’enchaînement des accords, l’entremêlement des leitmotivs… Pour moi, Tristan et Isolde représente le drame d’amour absolu, douleur et sensualité mêlées.

Le compositeur que vous auriez aimé rencontrer ?

Johannes Brahms. Sa musique de chambre est pour moi tout simplement la musique la plus touchante et la plus complète. Ses quatre symphonies sont toutes parfaites. Si je l’avais rencontré, je lui aurais demandé d’écrire un concerto pour violoncelle; certes, il a écrit un double concerto pour violon et violoncelle mais il s’agit davantage d’une symphonie concertante. Comme pour son concerto pour violon, je suis sûre qu’il aurait trouvé un équilibre idéal entre le soliste et l’orchestre. Souvent, le violoncelle peine parfois à se faire entendre, notamment dans les médiums, surtout si l’orchestre joue trop fort. A l’époque de Brahms, le concerto pour violoncelle n’avait hélas pas encore gagné toutes ses lettres de noblesse.

Un bruit qui vous fait boucher les oreilles ?

Étant assise au premier rang de l’orchestre, je n’ai pas à souffrir de la puissance des cuivres, comme certains instruments à vent. De manière générale, je n’apprécie guère les volumes sonores trop élevés dans les restaurants ou les magasins. Je comprends qu’on puisse apprécier cette intensité, mais j’aime tendre l’oreille vers une musique. Il faut savoir créer l’écoute; si le nombre de décibels est trop élevé, l’oreille sature facilement.

Diriger un pupitre ?

Je continue d’apprendre chaque jour dans ce métier que j’aime. Il s’agit à la fois de faire un lien entre le chef et les autres chefs de pupitre mais également de trouver un équilibre musical et humain. J’essaie d’apporter autant que je peux mon point de vue musical, tout en restant ouverte aux propositions, afin de créer un environnement positif. Chacun vient avec son éducation, son milieu et sa manière d’apprendre. Être musicien ne consiste pas seulement à jouer des concertos, des sonates ou des trios; c’est également partager des expériences avec des collègues; c’est aussi travailler et s’enrichir auprès d’autres musiciens. Tout le monde devrait faire de l’orchestre !

Un soliste qui vous a impressionné ?

Frank Peter Zimmermann. Depuis son disque des trios à cordes de Beethoven avec Antoine Tamestit et Christian Poltera, je suis fasciné par son jeu. On dit parfois qu’il ne faut jamais rencontrer ses idoles. Or, le violoniste allemand m’a beaucoup impressionné par sa gentillesse et son sourire quand il est venu jouer avec l’orchestre. Pour moi, il représente un exemple de maîtrise violonistique, mais également de relâchement du son. Dans une salle aussi grande que la Philharmonie, il faut savoir utiliser l’énergie de son corps pour projeter le son. Sa souplesse est sans égale, sans aucune tension dans sa posture. Lors du concert, il cherchait en permanence notre contact pour communiquer avec nous. L’apanage des grands…

Votre rapport à l’instrument ?

J’entretiens une relation compliquée avec mon violoncelle (rires) Il m’a fallu énormément travailler pour arriver où j’en suis aujourd’hui, notamment durant l’enfance. Je joue sur un Vuillaume de 1840, qui, comme tout instrument ancien, est très sensible à l’humidité et aux changements de température. On le ressent tout de suite sous ses doigts. Notre relation est légèrement univoque: à moi de m’adapter à mon violoncelle et jamais l’inverse. Mais heureusement, les luthiers sont là pour nous écouter.

Si vous n’étiez pas devenue musicienne ?

J’aurais certainement travaillé dans un métier en lien avec les animaux. Depuis toujours, leur présence me réconforte et m’apaise. S’occuper d’animaux abandonnés dans un refuge serait une belle activité. Mon amour des animaux m’a poussé par ailleurs à devenir végétarienne.

Quand êtes-vous le plus heureuse dans votre travail ?

Le concert est toujours l’aboutissement d’un long travail. En tant qu’interprète, nous passons tellement de temps à apprendre et peaufiner une partition, afin d’y apporter notre touche musicale. Par ailleurs, le concert est un moment de scène où l’on doit tout donner: nous ne savons jamais ce qui va se passer. En début d’année, nous avons fait une tournée avec l’orchestre, dans laquelle nous avons joué dix fois le même programme. A chaque fois, et je pense notamment aux ballets de Stravinsky, le résultat était différent, en raison de la salle ou de ce que nous renvoyait le public. La routine n’existe ainsi jamais dans notre métier. J’ai adoré jouer dans des salles aussi mythiques que le Musikverein de Vienne ou le Concertgebouw d'Amsterdam. Mais si je devais me souvenir d’un concert de cette magnifique tournée serait le concert que l’orchestre a donné au Bozar de Bruxelles. J’étais tellement heureuse de présenter l'orchestre à ma famille et mes amis présents dans la salle !

Propos recueillis par Laurent Vilarem en avril 2025.

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