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Hervé Blandinières

Alto

Hervé Blandinieres débute l’alto au conservatoire d’Amiens où il obtient son DEM en 2013. 
Il participe alors durant deux ans à l’Orchestre Français des jeunes sous la direction de Dennis Russell Davies. Après s’être perfectionné auprès de Pierre-Henri Xuereb à Gennevilliers et de Michel Michalakakos à Boulogne-Billancourt, il entre en 2016 au Conservatoire national supérieur de musique de Paris dans la classe de Jean Sulem. Second prix au concours d’Épernay en 2018, Hervé est reçu à l’Académie de l’Opéra de Paris en 2019 et intègre l’Orchestre de Paris quelques mois plus tard.
Passionné de musique de chambre, il fonde en 2015 le quatuor Bellefeuille qui étudie dans la classe de Luc-Marie Aguera.

Son interview

Comment êtes-vous venu à votre instrument ? 

Enfant, je voulais faire du violon. Mais je suis entré par hasard en classe d’alto au Conservatoire d’Amiens, sans savoir qu’il ne s’agissait pas de violon (rires). De plus en plus d’altistes de ma génération commencent directement par leur instrument sans passer par l’étape du violon. Étant fils et petit-fils de bassonistes, l’alto correspond à une part d’héritage familial. Dans la famille des bois, à l’instar de l’alto ou du violoncelle pour le violon, le basson représente un peu le grand frère du hautbois. Altos et bassons partagent une tessiture et un répertoire proches. Je n’ai jamais regretté d’apprendre l’alto, j’ai tout de suite su que cet instrument me correspondait naturellement.

Où peut-on vous trouver quand vous n’êtes pas sur scène ?

Dans une salle d’escalade ou à la forêt de Fontainebleau. L’escalade est un sport extrêmement complet: corps et esprit travaillent de concert. Par certains aspects, monter un mur d’escalade s’apparente à lire une partition. À l’interprète de trouver sa liberté au sein d’un parcours donné.

Une passion récente ?

Le café de spécialité. Faire de l’espresso et du café filtre de qualité me passionne tant le résultat dépend d’un grand nombre de réglages. J’ai un tempérament un peu geek si bien que je m’amuse énormément à opérer des réglages sur mes machines, concernant la mouture du café, le temps d’extraction, la pression ou la température de l’eau.

Votre pupitre?

Le meilleur pupitre d’altos du monde (rires). J’ai le souvenir notamment d’une interprétation de la fin du Mandarin Merveilleux de Bartók sous la direction de Klaus Mäkelä où le pupitre d’altos se couvre de gloire ! Sans flagornerie, mes collègues altistes possèdent des qualités humaines uniques, qui se traduisent par une écoute et une réactivité de tous les instants. 

Votre état d’esprit actuel ?

Reconnaissant de faire ce métier. J’ai toujours souhaité entrer dans un orchestre symphonique. Lors de mes études, l’Orchestre de Paris paraissait un objectif trop ambitieux, comme une voie inaccessible en escalade. Je l’ai finalement intégré, et cinq ans après ma titularisation, le métier m’offre exactement ce que j’espérais. Quel bonheur que d’interpréter les symphonies de Beethoven, Brahms ou Mahler ! Mais il faut également poursuivre d’autres buts et se développer parallèlement par l’intermédiaire de nouveaux projets.

Vos projets en dehors de l’orchestre ?

J’ai passé huit belles années au sein du Quatuor Bellefeuille. Nous nous étions rencontrés lors de nos études au Conservatoire de Boulogne. Faire du quatuor est une formidable école pour travailler l’écoute et l’intonation. Je viens d’intégrer le Sirba Octet, un ensemble de musiciens classiques qui joue de la musique traditionnelle d’Europe de l’Est (un répertoire que j’adore !). Chaque concert apporte son lot de surprises !

Un mot que vous aimez lire sur une partition ?

“Espressivo”. II existe d’innombrables manières d’être expressif. Généralement, le premier réflexe serait d’ajouter du vibrato ou d’augmenter l’intensité du son, mais une expressivité redoublée résulte parfois du procédé inverse : selon le contexte il sera plus efficace de s’effacer légèrement ou de chanter le plus simplement possible.

La musique qui a bercé votre enfance ?

La Deuxième Symphonie et les Variations sur un thème de Haydn de Johannes Brahms par l’Orchestre Philharmonique de Berlin dirigé par Karajan. Brahms est resté le compositeur le plus cher à mon cœur. Sa musique est certes complexe et ‘’savante’’ mais aussi infiniment humaine et intense. Pour un altiste, Brahms nous gâte par ailleurs de parties merveilleusement fournies. On tend souvent à surligner la profusion de son écriture quand sa musique requiert, au contraire, une grande transparence.

Si vous n’étiez pas devenu musicien ?

J’aurais certainement fait un métier manuel. Quand j’étais enfant, je passais mon temps à dessiner, modeler, sculpter. J’ai toujours aimé fabriquer des choses avec mes mains. Aujourd’hui, j’adorerais travailler dans la coutellerie ou l'archèterie, deux métiers qui combinent artisanat et art. Fabriquer des couteaux mobilise de nombreux matériaux, comme le bois naturel ou stabilisé, l'ivoire, la nacre ou le micarta, auxquels s’ajoute le travail du métal avec la lame et les pièces mécaniques. De même, on parle souvent de l’instrument mais rarement de l’archet ; c'est pourtant  grâce à ce dernier que le musicien crée et modèle le son.

À quel moment êtes-vous le plus heureux dans votre travail ?

Avec mes collègues pendant le concert ! Je suis toujours heureux de les voir sourire et de partager de beaux moments de musique avec eux. Par ailleurs, la communion avec le public de la Philharmonie de Paris est extraordinaire.

Propos recueillis par Laurent Vilarem en avril 2025.

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