J’ai découvert le violon lors d’un concert éducatif quand j’avais trois ans et demi, et comme mes parents venaient de se séparer, j’ai dû faire une sorte de transfert comme si j’avais remplacé mon père par un violon (rires). Il y avait un luthier dans mon immeuble, qui nous a aidés à acheter un instrument car nous n’avions pas les moyens. Et à onze ans, en classe de sixième, je me souviens avoir écrit spontanément sur ma feuille de présentation que je voulais devenir « violonniste », avec deux « n ». (rires)
J’aimerais jouer avec Ibrahim Maalouf. Un musicien de grand talent, très libre et qui n’a aucune frontière dans sa musique – ce que j’essaie de faire avec l’ensemble que j’ai créé, le Sirba Octet, qui mélange musiques klezmer et tzigane.
C’est un peu mon bébé. Il se compose presque en totalité d’amis et de musiciens de l’Orchestre de Paris. C’est une aventure humaine et artistique extraordinaire qui dure depuis quatorze ans, et qui, je l’espère, durera encore longtemps !
Ivry Gitlis, mon père spirituel, a dit un jour : « c’est une musique qui va du coeur au coeur. » Une sorte de joyeuse tristesse dans laquelle j’ai baigné durant ma jeunesse. C’est une musique qui passe facilement du rire aux larmes. Avec une vie incroyable.
Brahms. Son histoire me touche : élevé par ses parents dans les cabarets, il a écouté des musiques tziganes, rencontré des musiciens flamboyants comme Joseph Joachim, et son amour inassouvi pour Clara Schumann me bouleverse. Il y a une pudeur incroyable dans sa musique car il n’a pas pu exprimer son amour, et en même temps transparaît, dans chaque mesure, un feu dévorant de passion.
J’aime les musiciens qui ont une forte personnalité, comme Ivry Gitlis, une légende vivante ; ces musiciens très libres, qui racontent une histoire : comme Oïstrakh ou Heifetz...
Aujourd’hui, un Lang Lang est éblouissant d’exaltation, ou Gil Shaham qui rayonne sur scène d’une telle joie ! J’aime quand la musique est jouée avec bonheur, envie et générosité.
Un musicien d’orchestre doit concilier ce paradoxe : quand il joue, on ne doit pas l’entendre, mais quand il s’arrête, on se rend compte qu’il ne joue plus. L’orchestre s’emboîte comme des poupées russes : la plus petite poupée est la cellule que l’on forme avec son voisin de pupitre, ensuite il y a les musiciens qui composent le quatuor de l’orchestre, puis les autres pupitres de l’orchestre et enfin le chef comme vecteur d’énergie, le tout formant une poupée immense.
Même si Bach m’a procuré tant de chocs, j’aurais aimé rencontrer un compositeur que je ne comprends pas. Schubert par exemple : à chaque écoute d’une oeuvre que je connais pourtant, c’est comme si je la découvrais pour la première fois. Comment certains hommes sont capables d’écrire une telle musique ? Mozart aussi est incompréhensible, il donne tant de joie et de profondeur à sa musique. Quand on regarde ses manuscrits, ils sont d’une limpidité incroyable, comme si tout lui était venu dans un seul élan.
J’aime la très bonne chère et le très bon vin. Dernièrement, j’ai goûté un Romanée-Conti fabuleux de 2009. Je l’ai bu comme un nectar, du velours en bouche.
Con anima. Avec âme. Jouer devient alors un dialogue avec le compositeur dans lequel on essaie de mettre un peu de soi.